Songeries qui me chassent, fétu de peu de chose,
Vers la gueule obscure de la nuit ; faudra-t-il
Qu'enfin je vous fixe ? Qu'ayant désespéré
De rien pouvoir gripper dans le flot des années
Qui me roulent, me roulent, avant que je devienne
Un peu plus limon, je confesse ces heures
Futiles, dérisoires, où j'aurai rêvé être Autre ?
Jil Silberstein a un peu moins de trente ans lorsqu'il écrit ces vers. Ses questionnements d'alors, ses vagabondages répétés sur les routes du monde et ses blessures intimes appellent un baume de tendresse que seule pourrait offrir une mise à nu sincère et sobre. Mais comment y voir clair dans le magma d'effrois et de défis qu'est alors sa vie ?
Un quart de siècle plus tard, l'onde du temps a fait son oeuvre. L'ardent poète s'est apaisé au contact de ses frères humains - des Innus, notamment, ces Indiens des forêts subarctiques qui ont beaucoup compté pour lui, et dont il a recueilli la sagesse cosmique.
Pourtant, il fallait bien que ressurgisse cette jeunesse enfouie avant que d'être décantée. Ce sera au lendemain d'une nuit cruciale - une nuit glaciale, menaçante, conduisant vers la paix profonde, aurait dit Georg Trakl. Alors seulement, par le truchement de l'écriture, au terme d'une rencontre sans fard avec les errements du passé, le baume commencera à agir.
Les jeunesses prétendument exemplaires nous laissent souvent de marbre. Celle de Jil Silberstein ne le fut aucunement, mais elle s'avère constellée de tant de saisissantes épiphanies que chacun, par la magie du verbe, y trouvera quelque gemme de délivrance...
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