Les nouvelles technologies ont engendré une révolution culturelle et cognitive qui a
changé notre rapport au monde. Tout comme avant elle l'écriture, puis l'imprimerie au
XVe siècle, avaient profondément transformé les modes de représentation sur fond
d'inquiétude devant un monde qui bascule dans ses repères, avec ses peurs et ses
êtres diaboliques envahissant ce nouveau monde. Dante l'a évoqué dans des scènes
infernales, ou encore Jérôme Bosch dans l'un de ses célèbres triptyques, Le Jugement
dernier, où l'enfer grouille d'animaux fabuleux et autres petits démons hybrides et où
faune, flore et formes humaines se mélangent dans une vision fantastique.
Ce thème d'un corps mutant ébranle plus qu'il n'y paraît notre définition de l'identité
humaine d'autant qu'aujourd'hui les technologies touchent à l'essence même de
l'homme et à son devenir en s'immisçant dans le vivant. Une ère «biotech» qui nous
interroge sur les limites de l'humain, ses frontières, ses possibles et nous questionne
sur la distinction fondamentale entre naturel et artificiel, nature et technologie, entre
l'humain et la machine.
Pour nous, les vivants d'hier encore présents dans cette nouvelle fabrique du
monde de demain, notre histoire de l'humanité comme genre biologique ne nous
permet plus de penser le monde en son état actuel. Ce qui se narre ici est une histoire
différente de la vie sur la planète Terre, d'un monde sur le point d'exister à la limite du
réel et de l'imaginaire et qui questionne, non seulement le statut du vivant à partir du
devenir réel de l'imagination, mais aussi le statut des images comme forme du devenir
réel du possible.
Avec leurs moyens spécifiques, les artistes interrogent avec ironie et détermination
ce vertige d'une maîtrise de soi qui fait du corps un objet sans cesse à reconfigurer. De
la déclinaison du corps en désuétude à sa reconfiguration comme chair, ils engagent
une réflexion pour contrer les peurs ancestrales d'un monde en mutation et pour en
révéler non pas les manques, mais les potentialités.
La Chair mutante - fabrique d'un posthumain montre que pour penser aujourd'hui il
faut savoir conjuguer les puissances de l'imaginaire, et interroge l'art comme un
laboratoire où se fabrique une reconfiguration du sensible pour appréhender ce quelque
chose de la "nature" humaine qui est en mutation.
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