Nos sociétés modernes sont victimes d'un envahissement
croissant de la vie professionnelle et quotidienne par la
bureaucratie. Comment qualifier autrement l'exigence
toujours croissante de papiers, fussent-ils numériques ?
Et que dire de la confrontation incessante avec des
procédures formelles pour avoir accès au crédit ou à un
réseau informatique, pour louer un logement, noter des
banques ou bénéficier de la justice ? Ou encore du besoin
de respecter des normes pour que les comptes d'une
entreprise soient certifiés ou qu'un légume soit qualifié de
biologique ?
Au point de rencontre entre Max Weber et Michel
Foucault, Béatrice Hibou analyse les dynamiques politiques
sous-jacentes à ce processus. La bureaucratie
néolibérale ne doit pas être comprise comme un appareil
hiérarchisé propre à l'État, mais comme un ensemble de
normes, de règles, de procédures et de formalités (issues
du monde de l'entreprise) qui englobent l'ensemble de la
société. Elle est un vecteur de discipline et de contrôle,
et plus encore de production de l'indifférence sociale et
politique. En procédant par le truchement des individus,
la bureaucratisation ne vient pas «d'en haut», elle est un
processus beaucoup plus large de «participation bureaucratique».
Pourtant, des brèches existent, qui en font un
enjeu majeur des luttes politiques à venir.
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