Comment la haine peut-elle être belle ? C’est la question que pose ce livre, qui ne cherche pas à justifier moralement une telle passion, mais à comprendre la haine la plus extrême, la plus pure, celle qui n’a cure des raisons politiques, économiques et psychologiques, pour s’épanouir en ravages meurtriers. Afin de saisir cette haine autosuffisante et autotélique, Jan Miernowski propose de la regarder comme un principe esthétique qui affleure de façon intermittente, mais toujours, fort significative, entre la pré- et la postmodernité.
La haine devient notamment le moteur de la création artistique dans la poésie antérotique de la Renaissance et dans les pamphlets les plus corrosifs des Guerres de religion ; elle s’impose face au tragique chez Corneille ou Racine ; elle joue le rôle de catalyseur de la conscience littéraire chez Rousseau, ou de moteur d’un sublime pervers chez Céline ; enfin, elle se présente comme objet d’art à part entière, heureusement pastiché et parodié par le roman qui nous est contemporain. En invoquant la haine qui a ravagé son pays, Wisława Szymborska avoue avec un sourire empreint d’ironie : « Inutile de se leurrer / elle sait aussi faire du beau... ». Prenons le poète au mot : oui, la haine sait, littéralement, faire du beau. Mais elle n’a, en cela, aucun mérite ; c’est plutôt la littérature qui détient des capacités inouïes à comprendre et à conjurer le monde.
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