«Il regardera les pentes herbeuses et la rive, mais ne verra personne. Il ne verra pas Raya ni Baby. Ni Dvoyra ni Chaïm l'éventreur. Ni Yoyne ni le photographe avec son Leica. Ni le médecin, ni l'apothicaire ni sa femme. Il ne verra pas ses parents ni son oncle, adjoint au maire. Ni sa cousine Cyla. Ni la petite Rachelka, sa sœur de dix-sept ans. Ni Tauba ni les garçons de l'échoppe du marchand de glaces.
Il saura où ils se trouvent. A Piatydnie, aux abords de la route d'Uscilug.
Tous.
Dans la fosse commune, dans la forêt de pins, près des noisetiers. A l'endroit d'où, chaque automne, ils apportaient à la grand-mère Haya des paniers entiers remplis de noisettes.
Tous.
Il restera toutefois assis le regard fixé sur l'autre rive. Ce n'est qu'à la nuit tombante qu'il retournera à la gare. Il s'assoupira dans le train et entendra alors la voix qui apparaîtra dans ses rêves durant le reste de sa vie :
- Il ne faut pas y aller. Là-bas, il n'y a plus de rivière.»
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