«Il faut bien le savoir, on ne peut pas mener contre la presse
une guerre médiatique. S'y essaie-t-on, on se trouve à peu près
dans la situation d'une armée qui n'aurait d'autres munitions que
celles que l'ennemi lui envoie pour donner l'illusion qu'il y a une
vraie guerre, à la loyale. Il serait trop peu dire que l'adversaire a le
choix des armes : il en dispose seul. Il dispose seul du choix du
terrain, il dispose seul du choix du moment. Il dispose entièrement
de vous. Vous n'êtes qu'une marionnette entre ses mains,
qu'il revêt du costume ou de l'uniforme de son choix, et qu'il agite
un peu de temps en temps, pour donner au public l'illusion que
son pouvoir n'est pas absolu.
«Tout livre doit hurler à son lecteur : ne compte pour me
connaître que sur toi. Ne me juge qu'avec tes propres yeux, et ton
propre esprit. Cherche-moi par toi-même et cherche par toi-même
les livres qui me suivront, comme ceux qui m'ont précédé. Ne
m'oublie pas. N'oublie pas que je ne vis que par toi, et que tout est
fait pour nous séparer. Ne compte pas sur le journalisme pour te
parler de moi. À mon sujet, ne fais confiance ni à son silence ni à
sa parole. Souviens-toi que nous sommes en guerre, lui et moi.
Souviens-toi que nous sommes en guerre. Souviens-toi qu'il
occupe entièrement le pays. Ne m'oublie pas. N'oublie pas mes
frères. Souviens-toi que nous serons de plus en plus difficiles à
trouver, selon toute vraisemblance - de moins en moins visibles,
de plus en plus entourés de silence. Souviens-toi que nous prenons
le maquis, eux et moi, et que nous retournons à la nuit, dont nous
ne sommes sortis qu'un moment, deux ou trois siècles.»
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