« Je ne suis pas mort, mais j'ai vieilli, je dois me remettre des journées de Juin comme d'une maladie grave », écrit l'émigré russe Alexandre Herzen. Cette maladie grave est précisément le sujet de ce livre. Elle frappe Baudelaire et son pauvre Cygne qui « sur le sol raboteux traînait son blanc plumage » comme elle atteint Flaubert, ébranlé par tant de bêtise dans la férocité bourgeoise. Et Heine, sur son grabat-tombeau, qui imagine l'épicier faisant des cornets de son Livre des chants pour y « verser du café et du tabac à priser pour les vieilles femmes de l'avenir ».
Si les journées de Juin et leur répression inouïe n'apparaissent chez ces écrivains que sous forme ironique ou métaphorique, Dolf Oehler montre qu'il s'agit du refoulement de la terrible fracture de Juin entre les deux classes de la société moderne. « Ce n'est absolument pas un hasard si les écrivains les plus significatifs du second Empire sont justement ceux qui ont réfléchi le plus profondément sur la portée des événements de Juin, qui ont intégré Juin dans la texture même de ce qu'ils écrivaient. » Il peut arriver que cette « intégration » soit des plus claires, comme le coup de fusil que le père Roque tire à travers les barreaux sur un prisonnier qui demande du pain, ou chez Baudelaire évoquant cette « voix affaiblie » qui
Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie
Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts,
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.
Il revient à Marx d'avoir tiré à chaud les leçons de la défaite : « La révolution de Juin est la révolution haïssable, la révolution répugnante, parce que la chose prend la place du mot, parce que la République découvre la face du monstre en brisant la couronne qui le couvrait et le cachait. »
Un grand livre sur juin 1848, une magistrale démonstration du lien entre littérature et politique.
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