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“Il faut tout dire”, écrit Mara ; mais ailleurs, “j’habite un langage mort”, dit-elle. Son Journal se situe entre ce “tout” et cette “mort”, et là aucun lieu n’est possible, aucun organe même, seulement un porte-à-faux, qui tantôt laisse passer les mots, et tantôt les bloque, les refoule. Entre ce qui passe et ce qu’on n’entendra jamais s’insinue un récit, dont chaque fragment court vers le “tout” dans un élan d’urgence. C’est cette urgence qui entraîne d’abord le lecteur : elle lui donne le sentiment qu’il n’y a rien, dans ce texte, que les moyens du bord et un pathétique besoin d’aller plus loin que la page, que la langue, que la condition faite à notre bouche, à notre sexe, à “la vie”. Dès lors, le récit qui toujours s’effondre et recommence, devient l’image de la position intenable à laquelle chaque existence est accrochée ; et qu’il soit “journal” accentue la vivacité de son effet. Nous sommes dans l’imminence d’une révélation, ou d’une confidence, qui va tout dire... Par cette tension vers l’extrême, le Journal d’une femme soumise place le lecteur devant ce qu’il cherche dans tous les livres, et qui n’a pas de nom. Mais la nudité qu’il y faut, à travers le doute, le refus, la colère, amène ce Journal à faire figure dans bien d’autres domaines, où les femmes mènent aujourd’hui leur lutte et leur exploration. C’est que l’écriture, comme le dit Michèle Causse dans sa Postface, ne va jamais sans lucidité, et que le vertige de la soumission quand il est, comme par Mara, vécu jusqu’au bout, débouche sur la rébellion.