Journal de l'oubli
En lisant ce passage du carnet, Gaëlle éprouve à quel point Ludmilla a Noirmoutier dans le sang, encore davantage qu'elle, qui y a passé tous les juillets de son enfance. Ses parents travaillaient, ils l'envoyaient chez sa grand-mère profiter de l'air marin. Elle ne s'était jamais ennuyée. Ils ne lui manquaient pas, les parents. Elle avait Ludmilla et l'Océan, cela lui suffisait.
À marée basse, elles marchaient sur le sable humide. Elles ramassaient des trésors que sa grand-mère lui apprenait à nommer : coques, os de seiche, squelettes d'oursin, pinces de crabe olives de mer, palourdes.
Nommer les choses, Ludmilla disait que ça faisait mieux exister le monde. C'est elle qui lui avait dévoilé que le safran n'est pas qu'une épice, le tourmentin la voile qu'on hisse par tempête, que les grandes marées montent jusqu'à cinq mètres trente du côté de Concarneau, que la force du vent se mesure en Beaufort. Grâce à Ludmilla, Gaëlle savait qu'il ne faut jamais prononcer le mot « noeud » à bord, que le tourteau n'est pas le mâle de la tourterelle, que les berniques peuvent se manger crues. Qu'un saunier récolte le sel, la Vénus est aussi un mollusque, le cidre fortifie les enfants.
Sa grand-mère n'était jamais bien loin, cela l'encourageait. Son premier cours d'Optimist son premier tour en voilier, c'était elle. Ludmilla la voulait libre et aventurière. C'est peut-être Gildas, ce fantôme qui se pointe dans ses feuillets, qu'elle devrait remercier pour tout cela. Il avait dû lui en apprendre un rayon.
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