« Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier. » Ce qu'écrit Proust s'accorde à l'oeuvre d'ouverture de J.M.G. Le Clézio, romancier, nouvelliste, traducteur, critique cinématographique et littéraire. Depuis le premier roman publié, Le Procès-Verbal (1963), jusqu'à Ritournelle de la faim (2008), des ruptures nécessaires, à la fois liminaires et permanentes, travaillent son écriture. Conteur, passeur, cet écrivain métisserrand construit cependant une oeuvre de liaison qui tisse ensemble regards critiques sur l'Histoire, histoires singulières, mythes, quête identitaire et questionnements. Pour comprendre son ouverture sur les cultures des différents continents, sur les expressions artisanales et artistiques, cet essai resitue l'oeuvre de Le Clézio au sein de l'histoire littéraire et sociale. L'exploration de quelques motifs - la peau, la danse, le regard, la lumière et la trace - fait sentir les vibrations qui innervent les récits lecléziens. L'esthétique d'une écriture-corps, à la fois poétique et critique, sous-tend aussi une éthique car l'oeuvre engage à questionner les spoliations, les hiérarchies entre petites histoires et Histoire, entre Occident et civilisations disparues, tout cela qui met à la marge une part de l'humanité, une part de nous-mêmes. Multipliant les points de vue, paradoxes et contrepoints. Le Clézio convie le lecteur à un imaginaire avec ses archétypes, ses refoulés et ses impensés et fait de la littérature un « lieu d'incertitude », tout en adhérant à des valeurs humanistes.
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