C'est du bon sang que le sang de Jeanlou, il a un goût de fer, c'est un goût
comme le goût de fer blanc de ces boîtes de conserve, qui exhalent, ouvertes
et vides, leur propre odeur d'acier. Et c'est un goût très sourd et vieux, goût du
sang dans sa bouche, il éveille un appétit de loup, une cacophonie de ou,
saveur archaïque de chair crue. Il hurle, Jeanlou, mais sa douleur n'est rien, le
mal d'une éraflure, et la déchirure est ailleurs, dans l'aigu du hurlement,
l'écorce est ouverte d'où suinte une gluance plus grave, comme la résolution
liquide, déliquescente, d'un cri.
Jeanlou sent couler de ses profondeurs une espèce de nuit - lui qui n'a
jamais aimé la nuit -, son effroi lui glace les veines : c'est de lui qu'il lui faut
avoir peur, pas de la nuit, laquelle n'est jamais qu'un accident du jour, de la nuit
qui sommeillait en lui peuplée d'oiseaux crochus, de bêtes silencieuses et malfaisantes,
et dont son écorchure lui révèle l'existence.
C'est là qu'il a compris que son destin, c'est l'arbre.
Comprendre n'est sans doute pas le terme exact, sentir serait plus juste,
cela relève moins de l'intelligence que de la sensation, c'est même la sensation
qui le saisit, s'empare de lui.
L'arbre.
Un instinct qui le guide.
L'arbre.
Ephémère, sans doute, provisoire, mais qui protège des loups, ils pourront
bien crier Jean lou dans le noir, gentils et méchants loups dans le noir, loups et
bêtes grimpantes - la résine s'écoule vers l'aval du tronc.
Mais auparavant - détruire, sacrifier aux loups. Le bois n'aura de sens
qu'après les loups, qu'après le hurlement féroce, la morsure impitoyable et
nécessaire.
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