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Travailleur forcené, quinquagénaire facétieux, Jean-Paul Gaultier a débuté dans la carrière en recyclant tout et n’importe quoi : des boîtes de conserve, des fauteuils de cuir usés, de la paille et de la peluche. Ses premiers défilés sont improvisés, voire ratés. Mais il ose… L’excentricité devient dès 1978 un label frenchy grâce à lui. Il flaire les mouvements de société, explicite cette curieuse formule : « la mode vient de la rue », euphorise et dope le monde glacé du stylisme. Le premier, il fait défiler noires et beurettes, boulottes et femmes du troisième âge. Les catégories traditionnelles du laid et du beau sont grâce à lui, définitivement brouillées. Les conservateurs s’inquiètent et le traitent d’imposteur. Les années 1980 sont pourtant signées Gaultier : festives, vinylisées, métissées, gays. Le virage des années 1990 souligne son aptitude au changement. Le pop-styliste veut ses galons de créateur Haute Couture : il les obtient en habillant les icônes du show-biz – Madonna lui confie ses tenues de scène. Last but not least, on lui confie la maison Hermès. Peut-on sans renier un anti-conformisme viscéral dessiner des tailleurs blanc cassé pour la bourgeoise du faubourg Saint-Honoré ? Il peut. Parallèlement, l’enfant terrible de la mode s’offre un luxueux siège : l’Avenir du Prolétariat, rue Saint Martin, véritable palais de maharadja post-moderne. Les affaires florissantes du sigle JPG justifient une telle débauche : 120 personnes travaillent pour lui et son chiffre s’élève à 30 millions d’euros. Peu à peu, il s’impose comme l’anti-Karl Lagerfeld : la mode n’est pas une chose sérieuse… Rayonnant, attachant, médiatique mais pudique et discret, on croit tout savoir de lui, mais c’est un leurre. Son compagnon Francis Menuge meurt du sida en 1990, la blessure ne se referme pas. Il touche à tout : cinéma (Besson, Almodovar), scène, arts plastiques et offre même à la Fondation Cartier une exposition boulangère faite de robes Couture façonnées en baguettes de pain ! Idolâtré par la communauté gay, adoré des élégantes, parfumant la planète avec un jus enserré dans un petit buste de Barbie décapitée, le bad boy platiné qui ne se prend pas au sérieux - label rarissime dans la tribu Couture - est beaucoup plus qu’un créateur. Du lancement en 1983 du « boy toy », ce marin new-look serré dans sa marinière rayée marine et blanche, en passant par le scandale des hommes en jupe et des corsets coniques pour les filles. Cette biographie raconte l’itinéraire d’un enfant cinglé, d’un autodidacte shooté à la variété, d’un couturier ready-made, d’un self-made man du falbala, né à Arcueil, banlieue triste.