Peut-on inventer en littérature ? Et qu'invente-t-on précisément ?
Si ces questions, posées en regard de ce qui s'est produit à la même
époque dans les sciences ou les techniques, ne cessent d'être
désavouées dans leur pertinence par les inventeurs eux-mêmes,
probablement au nom d'une conception magique ou sacrée du
littéraire, elles participent néanmoins d'une esthétique nouvelle
qui se met en place au XIXe siècle.
En effet, une théorie et une pratique de l'invention littéraire -
et pas simplement de l'inventivité - apparaissent bel et bien,
qui dépassent les dogmes anciens de l'imitation et de l'imagination
comme principes organisateurs de la production
artistique. Comme dans les sciences naturelles et les arts
et métiers, on se met à inventer en littérature et à penser
l'invention. On invente ainsi des cadres nouveaux - genres,
formes ou techniques - qui se réclament d'un certain «progrès»
de l'activité littéraire. En nous faisant assister à la naissance
du poème en prose, du vers libre, du monologue intérieur, du
calligramme et de l'écriture automatique, le présent essai cherche
à comprendre les raisons pour lesquelles ces inventions deviennent
les emblèmes des mouvements littéraires de la fin du romantisme
à la naissance du surréalisme, mais également ce qui les relie et
les sépare.
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