Texte clé de l'Occident médiéval et pierre de touche d'un certain modernisme, la Correspondance d'Héloïse et Abélard fascine et dérange à la fois. S'y affrontent dans une articulation ambiguë le mythe de la femme forte et passionnée, la figure de l'intellectuel brillant et rebelle, l'amour et la gloire, le désir et la foi, le manquement à la parole donnée et le châtiment exemplaire. Si les questions d'authenticité ont tant pesé sur la critique - au point d'accaparer presque exclusivement l'attention des spécialistes -, c'est qu'elle engage la Transcendance sous ses multiples aspects, depuis l'ascétisme monastique jusqu'au concept même d'écriture, en passant par ceux de la Castration et de la Loi.
La fortune des Epîtres est historiquement liée à celle du Roman de la Rose, qui inaugura, dans une plaidoirie antimatrimoniale célèbre, la série d'adaptations du mythe dont s'est enrichie la littérature française. C'est le succès même de cette oeuvre qui amena son auteur, le poète Jean de Meun, à livrer à un public désormais avide de culture livresque sa traduction française de La Vie et les epistres Pierres Abaelart et Heloys sa fame (vers 1290). Signe des temps en effet que ce travail de vulgarisation, qui intéresse autant l'histoire du vocabulaire français que celle des mentalités.
Le texte critique de cette traduction est établi d'après le seul exemplaire connu, le ms. 920 du Fonds français de la Bibliothèque nationale. Le présent volume réunit également, pour la première fois depuis Cousin, les diverses pièces de la correspondance latine ; publiée en regard de la traduction française, elle a été revue pour cette édition sur le manuscrit de Troyes (Bibl. mun. 802).
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