L’asile psychiatrique est incontestablement un lieu d’enfermement. Mais il fût aussi un lieu de rencontre : celle du cinéma et de la psychiatrie. Tout au long de sa courte histoire, la machine cinématographique s’est attelée à mettre en images l’intérieur (et l’intériorité) de cette institution, dont le caractère mystérieux a eu tôt fait d’offrir un terrain de jeu fécond pour l’imaginaire des réalisateurs, ainsi que pour leurs velléités critiques. Cet ouvrage se propose d’explorer la complexité de cette rencontre à partir de différents films. De Caligari à Shutter Island, de Titicut Follies à 12 jours, l’image de l’institution se transforme en même temps que l’histoire de la psychiatrie va de crises en bifurcations. Tantôt dépeint sous les traits d’une institution totalitaire où les malades ne sont peut-être pas ceux que l’on croit, tantôt conçu comme lieu où la vérité du récit est elle-même inquiétée par le trouble qui s’y déploie, le cinéma n’aura cessé de porter, voire de fabriquer la mémoire de l’asile, de la faire déborder par son propre contenu, travaillant par-là la profondeur de nos imaginaires, dialoguant de près avec notre étrangeté, et critiquant du même coup les traitements réservés à celles et ceux que notre Histoire a exclus de l’espace de la raison. Qu’on les juge authentiques ou fantasmées, il se pourrait bien qu’à la surface des images de l’asile scintillent les bribes de notre expérience de la folie qui, une fois installée entre les murs de l’institution, a pris des allures de cauchemar ; un mauvais rêve dont les figures spectrales se dérobent à notre regard, mais continuent de hanter notre contemporanéité par le biais du grand écran et de son pouvoir.
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