Zone de non droit, la prison ? N'est-elle pas plutôt un lieu saturé de droit, de réglementations, de procédures ? De réforme en réforme, le droit est entré en prison de multiples façons : alignement de l'ordre carcéral sur le « droit commun », rôle de l'avocat et du juge d'application des peines, juridicisation des métiers pénitentiaires, aide juridique pour les détenus... Ces évolutions coïncident avec une augmentation du recours à l'incarcération qui frappe de manière disproportionnée les jeunes hommes de milieu populaire et des minorités ethnico-raciales. Que signifie alors, au quotidien, ce droit qui est censé humaniser et moderniser l'institution ? Ce livre apporte un regard nouveau sur ces questions car il repose sur une enquête en immersion dans deux maisons d'arrêt. Il s'intéresse au travail concret des professionnels sous contrainte gestionnaire. Il analyse l'expérience sociale de l'incarcération et le sentiment d'injustice. Bref, il montre les logiques contradictoires de l'institution : une administration qui prive de droits tout en prétendant faire entrer dans le droit, qui porte la philosophie de l'individualisation de la peine mais ne fait guère plus que de la gestion des stocks et des flux. C'est dans ces zones de malaises que s'éclairent les tensions au coeur des transformations, progressistes et sécuritaires, de l'État contemporain.
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