S'il s'avère, comme Thomas Hobbes ne cesse de le dire et de le redire, que le temps de la manifestation du Dieu chrétien dans l'histoire, par son Incarnation, est achevé, et ce jusqu'au moment imprévisible de la Seconde venue du Christ, s'il se trouve donc que Dieu n'est plus pour les hommes en acte de manifestation, alors la foi, qui vit dans le monde et non dans le Royaume, ne doit rien attendre de plus de l'avenir que l'institution de ce qui a déjà eu lieu : l'avenir, après Pâques et l'Ascension, n'est plus le domaine de l'inédit ; rien n'adviendra qui ne soit déjà advenu ; seule changera la modalité de ce qui doit advenir : après avoir revêtu le caractère de l'anticipation, il revêtira, à la fin des temps, celui d'une réalisation. C'est très précisément cette situation que Hobbes cherche à penser, en formant l'hypothèse d'une « démessianisation » théologique du temps. Une telle hypothèse apparaîtra - et, de fait, est apparue - comme hautement paradoxale à tous ceux qui savent de quelles relances messianiques l'histoire a pu être l'objet entre les mains de ceux-là mêmes qui se recommandaient des derniers mots de Dieu. Cette hypothèse semble pourtant seule pouvoir rendre raison de la césure qui distingue le temps pré-pascal de l'espérance du temps post-pascal de la mémoire. C'est dans une histoire « démythologisée » que doit s'inscrire le souci de l'avenir que nourrit la mémoire pascale. Or, si seule une raison devenue folle peut nier la réalité de l'avenir, c'est au contraire une preuve de rationalité que de laisser la venue passée de Dieu parmi les hommes désenchanter l'avenir. C'est cette preuve que Hobbes entend avancer, en pensant la façon dont Léviathan, lorsqu'il est chrétien, s'inscrit dans l'histoire du salut du Christianisme.
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