C'est dans ces tas de papiers « à jeter », ces strates délaissées, que notre regard a buté, un jour de visite de bâtiments asilaires destinés à la destruction, à Picauville, dans la Manche. La grande salle fut pendant plus d'un siècle le dortoir collectif de ceux qu'on nommait « les agités ». La pièce, désormais quasiment vide, est devenue le réceptacle de quantité de cartons et d'objets. Ce sont les restes d'une histoire.
Là, contre un mur, nous trouvons d'épais rouleaux de papier. En déroulant ces feuilles, nous voyons apparaître des dizaines de dessins, les uns tracés seulement au crayon noir, les autres coloriés minutieusement. Bouleversante apparition ; rares sont les traces directes des patient·e·s dans les hôpitaux. Nous les disposons sur le plancher vétuste : il y a plus d'une cinquantaine de grandes feuilles format raisin.
Que sont ces dessins ? Le résultat d'un atelier thérapeutique ? Des oeuvres d'art brut ? Des archives ? Seule certitude : ces signes énigmatiques ont été laissés par un individu se nommant René L.
Quel récit composent ces dessins ?
Nous allons chercher René L. dans l'Histoire ; la grande, celle qui fait l'objet de traités, celle qui dessine les villes, qui détermine nos existences, mais nous chercherons également du côté du mineur, des faibles intensités, de l'infra-ordinaire. C'est au croisement de ces récits multiples que nous supposons que René L. se tient.
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