Histoire sensible du toucher
Dans L'allégorie du toucher de Brueghel l'ancien, une femme nue embrasse un enfant au premier plan : douceur des caresses, geste d'apaisement et de soutien. À côté d'un brasero brûlant, elle est entourée d'épées, d'arbalètes et d'arcs, de cuirasses et de casques qui évoquent le tranchant, l'effraction qui menace notre vulnérabilité, mais aussi les barrières de protection indispensable à notre peau.
Image frappante que cette scène touchante et sensuelle au milieu d'une armurerie où la dureté, le poli, la froideur des métaux s'opposent aux chairs tendres. En arrière-plan, une scène de travail, un forgeron martèle le fer au contact du feu, un autre assemble les armures avec habileté : les objets de l'industrie humaine s'amoncellent. Le tableau provoque des effets sensoriels haptiques et pas seulement visuels : il provoque des sensations du toucher conjuguant contiguïté et distance, juxtaposition et opposition, dureté et tendreté.
Caresse, vulnérabilité, chaleur, gestes du travail, transformation de la matière, embarras des objets, menaces de la guerre, tentations et interdits : tel est le réseau de l'histoire sensible du toucher. Les puissances de la douceur y côtoient la volonté de maîtrise. Le contact est bien à l'articulation de l'affect et de la pensée : l'enveloppement de l'accueil permet de créer la capacité de liaison. Il peut aussi causer une déflagration ou, par son absence, marquer les hiérarchies ou engendrer des régimes d'indifférence. L'histoire du toucher est celle de notre ouverture sensible au-dehors.
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