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Comme toutes les grandes villes occidentales, Montréal fourmille de taxis qui parcourent les rues, font la navette entre l’aéroport et le centre-ville, attendent près des stations de métro, des hôpitaux et des grands hôtels. Trains, tramways, autobus, métros et vélos de Montréal ont eu droit à leur histoire, mais pas les taxis. Le monde du taxi est pourtant un sujet riche et complexe, un carrefour où se rencontrent plusieurs spécialisations de l’histoire : urbaine, politique, économique, sans oublier le travail et l’immigration. Depuis sa voiture, le chauffeur ou la chauffeuse est témoin des rapports tendus entre le travailleur et l’État, la ville et les citoyens, les quartiers excentrés et le centre-ville, le peuple et les élites. Il est aussi témoin des luttes entre la majorité francophone et les minorités culturelles, des mutations technologiques et de l’essor du transport en commun.
Le monde du taxi, c’est aussi et surtout des travailleurs qui forment une catégorie sociale unique et qui pratiquent un métier rempli de paradoxes. Au fil de son enquête, Jean-Philippe Warren en est venu à la conclusion que le chauffeur de taxi est la dernière incarnation du cowboy : libre de ses mouvements, de son emploi du temps, mais prisonnier de quantités de facteurs. Il peut arrêter de travailler quand il veut et travaille sans cesse. Il a toujours de l’argent dans ses poches, mais est pauvre. Il veut que l’État intervienne pour le protéger, mais exècre les régulations. Il pratique un métier monotone, mais rempli d’imprévus. Il est à la fois entouré de monde et seul. S’ajoutant à la diversité ethnique des membres de la profession, ces paradoxes créent une sous-culture absolument fascinante où se jouent des luttes de pouvoir économique et de contrôle territorial. Une sous-culture tout aussi difficile à intégrer qu’à quitter.
En utilisant les ressources combinées de l’histoire et des sciences sociales, en mêlant l’examen des archives et l’enquête de terrain, cette première histoire du taxi à Montréal débouche sur un portrait inédit de la ville. Elle se veut aussi une contribution à la compréhension d’un monde qui cultive les extrêmes et qui, s’il veut se transformer pour le mieux, doit s’appuyer sur des données tangibles et une histoire critique.