En Asie, la genèse des sociétés moderne s’effectue dans une crise permanente. Les transformations ont été introduites ou accélérées de façon plus ou moins forcée, par les états qui avaient fait des pays asiatiques leurs colonies ou les avaient placé dans leurs sphères d’influence économique, politique et culturelle. La soumission des peuples et de leur gouvernement a-t-elle jamais été réelle ? Elle n’a été toujours obtenue qu’à travers des guerres de conquête ; au-delà de celles-ci, les résistances, qu’elles aient été passives ou actives, n’ont pas cessé. La révolte est le réflexe primordial des peuples atteints dans leur indépendance mais plus encore dans l’intégrité de leur être culturel. C’est donc au plus profond de celui-ci que ces peuples puisent leurs références mobilisatrices, à la fois vigoureuses et vulnérables. Ces mythologies souffrent-elles de leur archaïsme ou davantage de ne pas avoir atteint l’universalité des doctrines et des méthodes impérialistes ? Apparemment les révoltes sont vouées à la défaite et, simultanément ou successivement, les réformes sont des tentatives d’éviter le retour des rébellions en réajustant partiellement les politiques aux revendications des groupes sociaux. Est-ce parce que les réformes n’atteignent jamais l’intégralité et la radicalité qu’elles échouent ou du moins perdent de leur efficacité? Les réformes manquées et les révoltes brisées inspirent les projets et les volontés révolutionnaires. La révolution vise au renversement d’une situation de fait mais est-ce sa seule radicalité qui lui insuffle sa force principale ? N’est-ce pas plutôt que les doctrines dont les révolutions s’inspirent : le nationalisme, le panasiatisme, l’islam, le communisme, ont en commum le dépassement des petites patries, des ethnies, des religions naturelles et des sectes. Grâce à elles, la révolution atteint la dimension universelle qui lui permet d’affronter l’impérialisme à armes égales ou presque. La réappropriation de l’indépendance nationale est accompagnée par le dessein de modernisation qui l’apparente à l’impérialisme mais lui permet de se poser en rival et en successeur légitime de ce dernier. C’est pourquoi la révolution, à son tour, engendre des structures qui ne feront pas nécessairement l’unanimité ; la révolte, la réforme et peut-être la révolution ou la contre-révolution existent, au moins virtuellement, dans la société révolutionnée. L’Asie du sud-est est une aire géographique, culturelle et politique beaucoup trop vaste pour que ce volume ait la prétention de la "couvrir". Les travaux rassemblés ici sont une première tentative d’exposer des études de cas sans prétention de théoriser. S’ils en appellent d’autres, ce livre aura prouvé son intérêt.
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