« Art ou métier, c’est une grande et noble chose que la Charpenterie. Liée aux besoins les plus intimes de l’Humanité, elle naquit avec elle. Simple d’abord, elle prit des formes différentes selon les climats ; elle devint aussi variée que le costume, aussi changeante que le besoin. Naïve aux premiers âges du monde, sur le territoire des rois pasteurs ; forte sous les rois conquérants, elle perdit de sa gracieuseté à mesure qu’elle descendit des plateaux de l’Asie pour s’avancer vers le Nord. Empruntant aux matériaux de chaque contrée des moyens de transformation indéfinie, elle comprit, elle accepta les exigences de la civilisation, et ses travaux, primitivement bornés, selon l’urgence, finirent par n’avoir d’autres limites que celles du caprice et de la vanité. Avant que l’homme eût conçu l’idée d’arracher du sein de la terre des moellons dont la superposition, géométriquement calculée, pût constituer une demeure solide, il avait dû recourir aux arbres, abris naturels, qui s’offraient à lui dans tous les pays, et qui lui permettaient d’ajouter peu de chose pour s’y créer une retraite contre l’intempérie des saisons. Ainsi, la Charpenterie précéda l’architecture, ou plutôt ces deux arts se trouvaient tellement unis à leur point d’origine, qu’il deviendrait fort difficile de les séparer. Quand la maçonnerie prit naissance, la Charpenterie lui prêta son aide. Ce furent les Charpentiers qui donnèrent aux voussures les moyens d’appui auxquels la pierre allait se conformer, qui créèrent les échafaudages, et qui complétèrent l’édifice en opérant son revêtement. On remarquera même, dans l’architecture de tous les peuples, cette condition caractéristique, que plus on remonte haut vers l’origine de ces peuples, plus l’intervention de la Charpenterie l’emporte sur la maçonnerie, plus l’usage du bois l’emporte sur celui de la pierre ou du marbre ; de telle sorte qu’une limite de séparation tranchée pourrait être établie entre les divers degrés de civilisation d’un pays, d’après les conditions matérielles et comparatives de la maçonnerie et de la Charpenterie : aux nations vierges ou primitives, des constructions entièrement en bois ; aux nations secondaires, des constructions mêlées de moellons et de charpente ; aux nations civilisées, des constructions où le bois joue un rôle de moins en moins important. Que reste-t-il de l’Assyrie primitive, de l’Égypte primitive, de la Grèce, de la Gaule primitives ? Rien. Pourquoi ? Parce que la Charpenterie avait été seule appelée à construire leurs monuments ; parce qu’un incendie dévorait une ville en quelques heures, et que, dans l’âge suivant, on ignorait jusqu’à la place où cette ville avait existé. »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.
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