Un homme, le narrateur, qu'on suppose au tournant de la cinquantaine, se retrouve dans la maison de famille où il a passé son enfance. Il y est revenu seul, en proie à des embarras d'argent qui le forcent à vendre quelque meuble et à hypothéquer quelque terre. C'est l'emploi d'une de ses journées, que seules privilégient ces opérations financières, qui va nous être conté. Trame banale s'il en fut, puisqu'on saisit le héros d'abord dans le demi-sommeil plein de pensées et de rêves qui précède son lever, et qu'on le suit au fil des douze chapitres. Les douze heures de la vie d'un homme sans qu'aucun événement particulièrement romanesque, voire poétique, les marque.
Le romanesque, la poésie, sont ailleurs, dans le crâne du narrateur, qui observe, contemple, se souvient, imagine, et qui, par la seule activité de son esprit, parvient à donner épaisseur, intérêt et sens à l'extrême banalité des instants vécus. Car cet homme a un passé, peut-être lourd, qui surgit sans cesse en sa conscience et dont la reconstitution double ou plutôt multiplie le récit linéaire de sa journée.
Mais on n'a rien dit du livre, de sa beauté, de sa force, de son originalité, en le ramenant à ce squelette d'histoire. C'est la manière dont tout est vu et dit qui soulève comme un ferment cette pâte presque ordinaire et qui la magnifie. Un « livre total », d'une exceptionnelle unité car tout s'y harmonise : le projet, la vision, la phrase.
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