« La civilisation moderne, européenne autant qu’anglaise, n’a de civilisation que le nom. C’est une civilisation qui décivilise, une réforme qui déforme. » Tel est le jugement que porte Gandhi sur la société du progrès technologique, une société qui a fait le choix du machinisme, de la passion de l’argent et du pouvoir, et qui méprise l’artisanat, la spiritualité et tout ce qui n’est pas « scientifique ». Une civilisation qui détruit toutes les autres civilisations, à commencer par l’indienne, millénaire, qui conçoit autrement la relation de l’homme à l’univers naturel et spirituel.
En 1909, alors âgé de quarante ans, Gandhi formule la première critique de la modernité qui émane du monde non occidental. Elle fonde sa philosophie de la vérité, de l’humilité et de la non-violence. Elle met en garde la classe d’Indiens éduqués à l’anglaise qui imaginent sortir de la colonisation britannique et regagner l’indépendance de l’Inde par des voies politique ou violente empruntées au colonisateur. Est-ce ainsi que l’Inde peut se libérer ? C’est la question que pose son premier livre Hind Swaraj, matrice de sa pensée, auquel Gandhi ne cessera de revenir tout au long de sa vie.
Sa réfutation de la modernité fut jugée subversive par les autorités britanniques, qui interdirent le manuscrit à Bombay en 1910, et incomprise de son temps par les nationalistes indiens. Toujours dérangeant, son livre reste un brûlot en ce début de XXIe siècle, dans le contexte de la mondialisation. Un siècle après sa parution, il est donné pour la première fois à lire en français.
Traduction du goujarati, de l’anglais et du hindi (Inde) par Annie Montaut.
Édition établie par Suresh Sharma et Tridip Suhrud.
Préface de Charles Malamoud. Introduction par Suresh Sharma.
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