Helen Keller ou Arakawa
Portrait de l'artiste en jeune aveugle
Comment lire un texte qui supprime tous les repères de lecture ? Dès le titre, deux noms, Helen Keller ou Arakawa, s'assimilent et fusionnent. Non qu'il s'agisse de la même personne : il n'y a plus de personne. La notion « d'identité » est rejetée hors du livre : plus de même, plus d'autre, mais des lignes, des axes d'équivalences, des clés de contact multiples (femme + homme, ouest + est, sourde + aveugle, peintre + architecte). Avec talent, Madeline Gins fait sauter les verrous de la syntaxe, ordinairement machine à trier-filtrer-ventiler-répartir en espèces et en espaces. Elle débusque les failles de l'anglo-américain, en suit tous les linéaments et les passages à gué, en longe les points de bascule. OEuvre à plusieurs voix, ce texte se lit de plus d'une façon : manuel de lecture d'une racine kanji, mais aussi récit vibratile de ce que « voit » une aveugle au théâtre, dans une langue-sensorium où tout, qu'il s'agisse d'un trait de crayon ou d'un grain de sable, est autorisé à prendre la parole. Ici, l'intelligence haptique fait advenir ce qu'elle touche.
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