Un des enjeux principaux de ce livre est de situer Bourdieu dans une tradition philosophique de réflexion sur le corps, dont participent Bergson, Sartre, Merleau-Ponty et Foucault, tradition qu'il ne fait en quelque sorte que prolonger. C'est dans cette philosophie du corps que réside la portée proprement philosophique de la notion bourdieusienne d'habitus, qui excède donc le champ purement sociologique. Ce qui nous semble en effet déterminant dans son œuvre à cet égard, c'est le statut reconnu au sujet, résultat d'une réflexion intéressante sur le rôle de la subjectivité dans le champ social.
Cette analyse philosophique s'accompagne bien évidemment chez Bourdieu d'une étude serrée des effets néfastes de l'habitus sur le tissu social, l'habitus étant alors considéré comme le véritable vecteur de la domination. La portée politique de ce concept est indéniable. C'est en effet sur l'habitus que notre auteur axe sa réflexion sur la violence symbolique, violence qui ne s'exerce pas directement mais emprunte le masque de l'idéologie dominante. L'examen de cette notion, qui rappelle le concept marxiste d'aliénation, sera pour nous l'occasion de traiter des relations ambiguës que Bourdieu entretient avec le marxisme, dont il partage l'idéologie sociale et la condamnation de l'exploitation mais non l'optimisme pour ce qui est de la possibilité de mettre fin à la domination des classes dominantes.
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