Dans un vaste rucher, deux personnages : le très vieux Gust Anzenberger, de Mietraching, un paysan, un débrouillard, un dur à cuire, qui a résisté aux guerres et aux crises, à la peste brune comme au miracle économique. Ancien batteur à façon, il vit sa retraite auprès de ses abeilles qui lui fournissent à la fois hospitalité et revenu : c'est le miel qui paie la bière.
Il y a là aussi Lies, seconde femme de Gust, qui agonise, tandis qu'il se remémore tout haut une vie de travail et de battage à travers toute la contrée, des années et des années d'histoires et d'Histoire... Gust parle et Lies meurt. Une fois encore, une femme réduite au mutisme témoigne «en creux», avec une terrible violence, d'une vie passée à «bosser et à fermer sa gueule». De ces deux «abeilles» en ce rucher, ouvrières indispensables à la bonne marche de la grande ruche sociale et économique, l'une est plus aliénée que l'autre... à l'inverse du monde des abeilles réelles, chez les humains, c'est le faux bourdon qui fait la loi.
Achternbusch a trinqué avec Gust, c'est sûr, il l'a écouté, il a ri de ses malices, de son humour, de sa truculence, il a été indigné par sa dureté, par son égoïsme cupide ; il s'est plu, et là il excelle, à recomposer son langage avec toute l'exactitude d'un auditeur expert en langage et tout le raffinement d'un grand écrivain-poète.
Deux acteurs, un texte fort, l'essentiel est là pour que le théâtre soit. Là comme avec Ella, on risque de «rire jusqu'à la catastrophe»...
C. Y.
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