Cet ouvrage réunit deux textes fondamentaux publiés par
Carl Schmitt à la veille de la Deuxième Guerre mondiale,
et qui se complètent mutuellement. Le premier est une
vigoureuse critique de la Société des Nations (SdN) et de l'ordre
juridique international qu'elle a tenté de mettre en place, ordre lié
à la notion de «guerre juste», c'est-à-dire de guerre discriminatoire,
où l'ennemi est moralement discrédité et représenté comme un criminel
en guerre contre l'«humanité», qui ne doit pas seulement
être battu, mais définitivement éradiqué. Schmitt montre que
l'idéologie universaliste exclut la possibilité de considérer l'ennemi
comme un justus hostis, un adversaire qui peut avoir ses raisons ;
elle remplace cette notion symétrique par la notion unilatérale de
juste cause (justa causa) dont ne peut être titulaire que l'un des
belligérants en présence. Toute conception universaliste du droit
des gens apparaît de ce point de vue comme la légitimation d'une
guerre qui, sous prétexte d'être «juste», n'est que la plus totale de
toutes. L'idée-clé est que la guerre en tant qu'institution juridique
ne peut être qu'une affaire d'Etats.
Schmitt n'en constatait pas moins que la dissolution de l'ordre
international fondé sur des bases purement étatiques est un
processus irréversible. La question se posait donc de savoir quelle
alternative il entendait proposer. Le second texte fournit sa réponse :
la mise en place de «grands espaces» excluant l'intervention de
puissances étrangères, à l'instar de la «doctrine Monroe» adoptée
en 1823 par les Etats-Unis.
L'actualité de cette analyse est évidente, au moment où l'on
enregistre un retour de la «guerre juste» et où la mondialisation
appelle la constitution de «grands espaces» qui pourraient être
autant de pôles de régulation de la globalisation dans la perspective
d'un monde multipolaire. A partir d'un examen minutieux de
l'évolution du droit international, Carl Schmitt, il y a plus de 70
ans, annonçait l'avènement de la «guerre globale». Il parlait même
déjà d'«intervention humanitaire» et d'«Etats-voyous». «Nous
pensons aujourd'hui à l'échelle planétaire, par grands espaces»,
écrivait-il. L'avenir serait-il aux grands ensembles continentaux,
aux grands espaces et aux empires qui les protègent ?
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