Experts, hommes politiques et éditorialistes
sont unanimes : la dette qui grève les finances
publiques entrave la croissance, fait exploser
le chômage. Les États doivent à tout prix se
désendetter s'ils veulent rassurer les marchés
et retrouver le chemin de la prospérité.
Le diagnostic de Maurizio Lazzarato est tout
autre : la dette, dans le système capitaliste,
n'est pas d'abord une affaire comptable,
une relation économique, mais un rapport
politique d'assujettissement et d'asservissement.
Elle devient infinie, inexpiable,
impayable, et sert à discipliner les
populations, à imposer des réformes
structurelles, à justifier des tours de vis
autoritaires, voire à suspendre la démocratie
au profit de «gouvernements techniques»
subordonnés aux intérêts du capital. La crise
économique de 2008 n'a fait qu'accélérer
le rythme de formation d'un «nouveau
capitalisme d'État», qui organise une
gigantesque confiscation de la richesse sociale
par le biais de l'impôt. Dans un inquiétant
retour à la situation qui a précédé les deux
guerres mondiales, l'ensemble du procès
d'accumulation est tout entier gouverné par
le capital financier, qui absorbe des secteurs
qu'il avait jusqu'alors épargnés, comme
l'éducation, et qui tend à s'identifier avec
la vie même. Face à la catastrophe en cours
et au désastre qui s'annonce, il est urgent
de sortir de la valorisation capitaliste, de nous
réapproprier nos existences, savoir-faire,
technologies et de renouer avec le possible en
composant, collectivement, un front du refus.
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