Gilles Deleuze et Antonin Artaud
Qu'Artaud fut pour Deleuze la profondeur absolue en littérature, cela ne fait aucun doute, si bien que la vie d'Artaud se mêle aux inflexions de la pensée de Deleuze. Car c'est bien de la pensée qu'il en va - cette pensée en tant qu'impossibilité qui force à penser, cet impouvoir à cristalliser l'idée divergente dans le mot, au risque de la folie. Les mots manquent, l'idée, absente, a fui. Deleuze suivit donc Artaud de l'abîme de l'impouvoir à la voie des mythes. Ses voyages au Mexique, merveilleux, puis en Irlande, tragique, conduisirent le Mômo aux neuf années d'enfermement asilaire, et à son invention majeure, le corps sans organes - corps neuf qu'Artaud s'est fait lors de sa dernière apparition publique au Vieux Colombier et que nul ne pourra oublier.
Seul Artaud a, aux yeux de Deleuze, traversé le mur du sens, seul lui a pu sonder la puissance de la pensée et du corps à leurs limites. Quels plateaux (mille ?) de la pensée et du corps pouvons-nous à notre tour arpenter ? Quelle pensée pouvons-nous élaborer à partir de la rencontre du philosophe avec le poète ? Dans quelle mesure auraient-ils vécu des vies parallèles ?
Au travers d'une interprétation libre et sauvage de l'histoire de la pensée, de Spinoza à Francis Bacon, de Sade à Kant, de Platon à Orson Welles, cet essai tente de répondre à ces questions. Ce qui fut trop fort pour eux n'en fut pas moins vital, cela peut-être pour nous aussi.
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