Dandy, saint et martyr
Le dandysme a laissé dans l'histoire le souvenir d'une forme raffinée d'élégance, répandue durant tout le XIXe siècle dans les clubs anglais et les salons français à travers les figures de lord Byron, Oscar Wilde, Balzac, Barbey d'Aurevilly ou Baudelaire. Ce mouvement a été perpétué jusqu'à nous par quelques célébrités, telles que Gabriele d'Annunzio, Salvador Dali ou David Bowie.
Le paradoxe de ce phénomène est qu'il a été inspiré par un homme qui s'inscrit en opposition avec la représentation que nous avons conservée de lui, George Bryan Brummell, qui régna pendant plus de vingt ans à Londres sur l'aristocratie et la cour. À l'envers des idéaux et des valeurs de la haute société, fondés sur un code élaboré par et pour une élite, celui qui fut le souverain des cercles à la mode destitua le monde ancien dressé sur ses traditions pour instaurer un ordre nouveau dont l'originalité nous échappe encore. Ce personnage réalisa cette action en produisant face aux lords et aux ladies médusés un homme sans qualités, dégagé de toutes les prescriptions de la mode et dépouillé de tous les ornements de l'élégance. Sa seule arme fut la force du verbe qui épinglait ses interlocuteurs comme des papillons sur un bouchon : « Vous appelez cela une veste ? », lança-t-il ainsi un jour au duc de Bedford, paré de ses plus beaux atours. Ce mot (wit, en anglais) abolit instantanément toutes les vanités ordinaires qui sont le sel de la vie pour susciter sur leurs ruines une autre vanité sublime, surgie de la puissance du « rien ».
Cette intention, qui retranche définitivement Brummell de la scène mondaine, établit la dimension métaphysique de son entreprise et démontre que celle-ci ne pouvait trouver son accomplissement que dans la disparition de son auteur lui-même, advenue au champ de l'héroïsme et de la sainteté au prix de la misère, de la déchéance et de la folie.
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