La tentation d'expliquer l'oeuvre d'un peintre par une unique influence
extérieure n'est pas sans danger. Elle pourrait, dans le cas qui nous intéresse,
laisser entendre que Paul Gauguin n'a dû son salut artistique qu'à
la présence d'épreuves photographiques. Le titre générique «Gauguin,
Tahiti et la Photographie» dissimule de fait une réalité multiple. La première
catégorie de photographies que l'ouvrage met en rapport avec
l'oeuvre de Paul Gauguin est celle des photographies d'oeuvres d'art qui
constituaient son musée imaginaire. «J'emporte en photographies, dessins, tout un petit monde
de camarades qui me causeront tous les jours», écrit-il à Odilon Redon en 1890. Le second type de
photographies auquel l'ouvrage se réfère est celui des photographies ethnographiques qui s'inspirent
du précepte de Courbet : «Apprendre des gens du peuple» et s'intéressent à la rue et à
ses acteurs. Les photographies que Paul Gauguin a pu acquérir lui permettent ainsi de faire
poser à l'infini des sujets qui sont «le reflet d'une réalité disparue et à jamais ressuscitée». La
troisième catégorie de photographies présentée ici concerne celles qui,
sans avoir une résonance directe sur l'oeuvre, irriguent la mémoire du
peintre. Ces photographies restituent les lieux et les personnes que le
peintre a pu visiter ou rencontrer entre 1891 et 1903. Elles sont puissamment
évocatrices et prêtent à des correspondances infinies, même
si elles ont un intérêt plus grand pour l'historiographie de Tahiti que
pour l'histoire de l'art en général et celle de Paul Gauguin en particulier.
Cet ouvrage est édité à l'initiative de Madame Louise Peltzer,
Ministre de la Culture, dans le cadre de la commémoration
du centième anniversaire de la mort de Paul Gauguin.
Il est publié à l'occasion du second Festival de la Photographie
par le Musée de Tahiti et des Iles
dont le directeur est Madame Hiriata Millaud.
Jean-Yves Tréhin s'intéresse aux photographies de
voyages et de Tahiti depuis 1980. Sa quête, placée sous le
signe de l'exigence, l'a poussé à ne retenir et rassembler
que les clichés réalisés entre 1860 et 1900.
Toujours à la recherche d'informations se rapportant à
l'histoire de Tahiti ou à celles des photographes et des
personnes photographiées, sa collection s'est enrichie
avec le temps, jusqu'à constituer un ensemble exceptionnel
de plusieurs centaines de pièces.
La volonté du Gouvernement de Polynésie Française
d'initier la constitution d'un fonds photographique
patrimonial polynésien, et le désir de J.-Y. Tréhin de voir
ce patrimoine, né à Tahiti, revenir dans son lieu d'origine,
ont amené le Territoire à acquérir, en 2003, cet
ensemble dont la plupart des illustrations de ce livre
sont extraites.
Cet ouvrage est publié par le Musée de Tahiti et des Iles
dans le cadre de la commémoration du centième anniversaire
de la mort de Paul Gauguin.
Il restait, à Tahiti, peu de traces des photographies de la
seconde moitié du XIXe siècle. Soit les ateliers ou les studios
avaient disparu, soit les plaques de verre ou les négatifs
avaient été négligés ou laissés à la merci des dégâts de
l'eau ou du feu. Pour ce qui est des photographes revenus
finir leur vie en France, leurs héritiers avaient dispersé
leurs fonds dans des ventes publiques ou les avaient
cédés à des musées de province. Lorsqu'il constitua son
fonds, il apparut vite à Jean-Yves Tréhin qu'à Tahiti, les
années 1890 à 1900 étaient marquées par la présence
tutélaire de Paul Gauguin. Même si le peintre ne figure
sur aucune photographie de Tahiti à cette époque, il a
déjà noué des liens avec les épreuves photographiques de
S. Hoare et de G. Spitz. Par la suite le peintre se lia avec certains
photographes. Si rien ne vient un jour confirmer
que Gauguin ait effectivement pratiqué la photographie,
on peut néanmoins penser qu'à l'instar de Degas, il fut
influencé par la technique photographique. La quête de
photographies anciennes de Tahiti, poursuivie par J.-Y.
Tréhin, s'accompagna dès lors d'une recherche constante
des épreuves photographiques pouvant être mises en
regard des oeuvres peintes de Paul Gauguin. L'originalité
de sa démarche ne consista pas seulement - à la différence
d'autres spécialistes oeuvrant dans le même
domaine - à repérer ces épreuves originales et à les reproduire,
mais à les acquérir, constituant ainsi une collection
dans la collection.
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