Avec Gaudeamus - qui fait suite au Roman de l'adolescent myope (Actes Sud, 1992) et qui fut, lui aussi, retrouvé récemment à Bucarest -, Mircea Eliade livre sans doute la clef de la passion qui, des années plus tard, allait le conduire à l'Histoire des croyances et des idées religieuses (1976-1983). On trouve, en effet, dans ce journal romanesque des années vingt, un personnage - le narrateur, étudiant à la faculté des Lettres de Bucarest comme le fut Eliade -, qui s'enfonce avec une sorte d'héroïsme impitoyable dans les champs du savoir, oppose avec passion ses idées aux croyances et à l'idéologie de ses camarades, et résiste aux assauts de l'érotisme ambiant, incamé par de très sensuelles jeunes filles, pour n'appartenir qu'à lui-même. Ce double d'Eliade, avant de partir pour le grand voyage qu'il a décidé d'entreprendre à la fin de ses études, va jusqu'à contraindre celle qu'il aime d'en épouser un autre. Or on sait que l'écrivain partit en Inde en novembre 1928, l'année où fut rédigé Gaudeamus, et n'en revint que trois ans plus tard. Mais ce livre dès lors fondamental pour comprendre l'élan qui porta le jeune Eliade au cœur même de sa vocation, est aussi - est d'abord - un foisonnant, un irrésistible roman sur l'adolescence intellectuelle de son temps.
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