Les frontières africaines sont souvent décrites comme des cicatrices
de la violence des impérialismes étrangers en Afrique. Ce lieu
commun fait encore aujourd'hui partie des catégories qui fondent
nos regards sur le continent. Mais ce discours, en cherchant à
dénoncer l'arbitraire colonial, réduit les configurations territoriales
africaines à de simples conséquences de la domination européenne
et fait des populations africaines les spectateurs passifs de leur
propre histoire. Aux antipodes de ce cliché, cet ouvrage propose
une histoire longue de la constitution des frontières d'un État
- le Niger - englobant dans un même regard un siècle d'histoire
régionale et soixante ans de domination coloniale. Cette approche
permet de mettre au jour la place des enjeux locaux et régionaux
dans cette histoire de frontières et de territoires, et de révéler qu'au
sein de ceux-ci la colonisation n'est qu'un moment parmi d'autres.
Cet ouvrage raconte une histoire paradoxale, celle d'une poignée
de militaires coloniaux qui, au début du XXe siècle, instituent dans
les plus grandes difficultés un gouvernement précaire qui s'appuie
très largement sur les organisations politiques et territoriales
locales, contribuant ainsi à les vider de leur sens et à amoindrir
leur importance. Cette appropriation coloniale des frontières
a été si forte qu'elle a fini par faire oublier aux colonisateurs, tout
comme aux sociétés concernées elles-mêmes, que leur origine était
le plus souvent locale et avait été négociée avec les populations
et les autorités politiques. Ces frontières furent marquées par les
dynamiques historiques internes du Soudan central au XIXe siècle,
et notamment les répercussions du jihad d'Ousman dan Fodio.
Pourtant, l'histoire de leur tracé a contribué à construire le grand
récit d'Européens maîtres du jeu imposant sans considération
le partage du monde.
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