L'écologie n'appartient pas aux écologistes. La preuve : c'est un obscur employé de la Caisse des dépôts et consignations, devenu dessinateur puis chroniqueur à I Hara-Kiri et à Charlie Hebdo, qui a inventé - en France dans les années 1970 - la « révolution écologiste », aujourd'hui prétexte à toutes les démagogies.
Dessinateur remarquable, écrivain et polémiste de l'urgence, visionnaire, militant malgré lui - ni de gauche ni de droite, mais de droite et de gauche -, Pierre Fournier n'a cessé de déranger, dérange encore, y compris parmi ses partisans. On s'est empressé de l'oublier.
Il est mort en février 1973. Il avait trente-cinq ans. Il avait tout compris, rêvé du meilleur, pressenti le pire, avec une sincérité, une éloquence et un courage qui laissent aujourd'hui songeur. Aujourd'hui, justement, où personne ne peut plus ignorer les problèmes d'environnement et d'énergie ; où personne ne veut être sous-informé, infantilisé, écarté de ce qui devrait être « le » débat démocratique par excellence, argumenté, divulgué, et non plus censuré par le lobby nucléaire, l'État, les médias.
Aujourd'hui, il est temps, donc, de retrouver Fournier, ce doux rêveur qui ne mâchait pas ses mots. En racontant ici son histoire, Patrick Gominet et Danielle Fournier n'oublient pas les milliers d'anonymes jetés dans cette utopie pacifiste, leur enthousiasme, leur révolte, leur solidarité. Ils n'oublient pas non plus les divisions de ce mouvement informel, ni ses dérives sectaires et ses opportunismes.
Mais, attention ! Fournier n'était pas simplement un « prophète de malheur » qui annonçait Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima Daiichi et autres pollutions majeures : c'était un personnage hors du commun, provocateur et drôle, et, surtout, profondément libre.
« Je crois vraiment que la naissance d'un journal " écologique " est imminente, inévitable. Ce ne sera pas un journal " écologique " d'ailleurs mais un journal politique et culturel traitant des réalités politiques et culturelles d'aujourd'hui. Moi j'aimerais bien que le boulot que je fais en ce moment, d'autres le fassent à ma place. Ça me permettrait de faire enfin le boulot qui me plaît, qui me rend " heureux " et pour lequel je suis " doué " : créer de la beauté, faire " de l'Art& #34; (mot très con), poursuivre la réalité des choses en se passant des mots. Boulot très nécessaire aussi, dans un monde qui est laid parce qu'il est con, et con parce qu'il est laid. »
Lettre de Fournier à François Cavanna, 1er novembre 1971
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