« Cerf-volant d'images, je tire les fils. » Au réveil, la mémoire du narrateur, qui prend très vite le nom de l'auteur, tisse une trame où se prennent et se mêlent souvenirs récents (nostalgie d'un amour fou), lointains (enfance d'avant-guerre et de guerre), soucis aussi du quotidien, angoisses de la profession. Ici, professeur, qui devra faire son cours, le soir, sur le récit de Théramène. A peine sorti de chez lui, voilà S. D. déversé en plein Grand Central Parkway, l'autoroute qui mène à New York : au fil des routes qui sillonnent sa vie, au volant ou à pied, se compose l'histoire d'un exil américain, douloureux et énigmatique. Ces fils, où tenter de les dénouer, sinon dans le face à face avec l'analyste, au cours d'une longue séance, où ils s'obstinent à s'enrouler autour du personnage du fils. Particulièrement, dans le rêve d'un monstre marin, mi-crocodile, mi-tortue, surgi du texte de Racine dans l'esprit du critique endormi. L'interprétation du rêve se reversera dans l'explication du texte racinien, dont la nouvelle lecture permettra de relire en retour la vie du narrateur, qu'on aura suivi entre temps, après la visite au "psy", à travers le tintamarre solitaire de New York, les silences calfeutrés de l'université, jusqu'à la salle de classe où s'accomplit sa jouissance : le dénouement.
Autobiographie ? Non, c'est un privilège réservé aux importants de ce monde, au soir de leur vie, et dans un beau style. Fiction, d'événements et de faits strictement réels ; si l'on veut, autofiction, d'avoir confié le langage d'une aventure à l'aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau. Rencontres, fils des mots, allitérations, assonances, dissonances, écriture d'avant ou d'après la littérature, concrète, comme on dit musique. Ou encore, autofiction, patiemment onaniste, qui espère faire maintenant partager son plaisir.
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