En 1806, Fichte relève que l'émancipation moderne
de l'humanité par le développement de la libre intelligence
suscite chez certains philosophes une résistance
réactionnaire dont le mot d'ordre est celui d'une pensée
inconsciente et impersonnelle. S'en remettre à la puissance
de la nature qui pense en lui, voilà la méthode du
penseur réactionnaire. La remarque vise bien sûr la
Naturphilosophie de Schelling. Mais, au-delà de la polémique,
c'est la signification historique des philosophies
critiques de la subjectivité qui est interrogée ; de ces
philosophies, qui, comme celle de Deleuze, font de
l'involontaire et de l'impersonnel la plus grande aventure
de la pensée.
A partir de sa réception critique, en 1801, de l'Exposition
de mon système de la philosophie de Schelling,
où s'amorce ce que l'on a appelé le «tournant spéculatif»
de l'idéalisme allemand, Fichte consacre toute
son oeuvre à défendre, contre cet idéal d'inconscientisation,
le principe de la spéculation comme libre
réflexion consciente de la pensée sur son propre procès.
Le présent ouvrage se propose de saisir les aspects fondamentaux
de cette défense, d'abord dans l'exposé
spéculatif de la Doctrine de la science de 1804, où Fichte
accomplit à son plus haut point la philosophie de la
philosophie, ensuite dans la philosophie appliquée des
Caractères de l'époque actuelle (1806) et de la Doctrine
de l'État (1813), où l'émancipation spéculative prépare
et accompagne l'émancipation politique et religieuse.
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