Connu pour sa formidable aventure de diariste au quotidien, Albert Stricker n'en demeure pas moins avant tout poète. Un poète qui tient son journal ! Après Le Diamant et le duvet, qui donnait à voir la quintessence du rien somptueux, il l'illustre de nouveau à l'envi avec Feuilleter la mer.
Vague après vague, il tend le miroir de sa mouvante immensité aussi bien au ciel qu'aux hommes qui continuent à y étancher leur rêve de liberté.
Que disais-tu quand tu disais être
le poète des brisants
et que tu confondais dans la même image
la salive à la crête des rouleaux
et les mâchoires fleuries des chevaux
Que disais-tu que disais-tu d'autre
que ce besoin de monter le temps en neige
dans la baratte des rencontres
Tu ne disais que la joie de rendre grâce
pour cette grande force effervescente
dont la mer tend le miroir bouillonnant
à la lumineuse écume de ton âme
Son alliance mouvante au doigt de la terre
les galets qu'affûtent les cris des mouettes
et le poumon de l'horizon qui fait pendant
à la cornemuse de son tumulte
Ce grand ruminement perpétuel
Tant d'herbe humide à tant de mufles
Toutes ces mangeoires qui avancent
Pour rassasier l'insatiable
Allongé sur le sable
tu n'es plus toi-même
qu'un amas d'atomes
tenus ensemble
par une fibule de lumière
Tessons d'un miroir pulvérisé
dans lequel la mer aime
se contempler une et éparse
Phénix et Orphée
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