De l'apéritif à la dernière coupe, Athénée de Naucratis rapporte les conversations d'un cercle de lettrés réunis dans la maison d'un haut fonctionnaire de l'Empire romain, au début du IIIe siècle de notre ère. Médecins, musiciens, rhéteurs, philosophes suivent le rituel du banquet grec, le dîner, puis le sumposion, temps du vin et des divertissements de l'esprit.
Mais ce colloque avant l'heure subvertit les codes puisqu'il démarre dès le début du repas et a pour unique objet le banquet lui-même : d'emblée le lecteur est submergé par une encyclopédie improbable sur les fruits et légumes, les poissons et les salaisons, les vins et les gâteaux, la vaisselle, les courtisanes et les devinettes, et mille autres curiosités. De plus, les convives suivent une règle stricte : ils ne parlent que par citations, des milliers de citations, issues de leurs bibliothèques, matérielles et mentales.
On défend ici la thèse qu'Athénée met en scène dans les Deipnosophistes un cercle réel de grands lecteurs et d'érudits, engagés dans un jeu vertigineux : les citations, échangées sur un rythme infernal, sont autant de pions pour se déplacer sur le damier de la bibliothèque, de la langue, de la culture grecques classiques.
C'est donc sur le mode d'une ethnographie de ce milieu savant, avec ses codes et ses pratiques, que Christian Jacob nous invite à nous perdre dans le labyrinthe des mots et des mets et dans l'imaginaire de la bibliothèque, entre Babel et Alexandrie, entre raison et folie, entre errance et rêve de maîtrise.
Jorge Luis Borges et Umberto Eco ne sont pas loin...
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