L’hôpital était en travaux, défiguré par les baraques de chantiers, les sacs de ciment, les gravats, mais le jardin était entretenu avec application. Il exhibait un panachage de fleurs printanières entourant une fontaine. Quelques patients croisèrent, tête baissée, notre procession sans gloire, connaissant probablement, pour en être chaque jour les témoins, le motif peu bucolique de notre promenade. (…)Je ressentis les premières contractions. La sensation était étrange, comme si les molécules de mifégyne, autrement nommées RU 486, me palpaient l’intérieur du ventre. J’allais accoucher de rien, mais j’allais accoucher quand même.
Marie commence une carrière prometteuse à la télévision lorsqu’elle tombe enceinte. L’avortement paraît une solution simple et mineure dans un pays où il est pratiqué par plus de 220 000 femmes chaque année.
Mais en expulsant son fœtus, c’est de toute son existence que Marie s’extrait. De sa sœur qu’elle croyait connaître, de son emploi où on la juge, du père de l’enfant, un de ses amants de passage, et finalement d’elle-même et de ses rêves d’enfant ; si l’avortement est légal il n’en est pas moins souvent vécu dans la culpabilité et la honte.
Une minuscule boule de sang expulsée dans une cour d’hôpital peut faire basculer une vie. Dans une société où les lois tolérantes ne changent pas toujours les mentalités, où les positions morales ne permettent pas toujours de comprendre les comportements et les choix, on peut se demander, comme le fait un des personnages du livre, si ce système n’est pas devenu totalement “ contre-nature”. Ce court roman lumineux et incisif, loin d’être un témoignage intempestif pour ou contre l’IVG, est une métaphore violente sur le divorce de l’intime et du social. Pulsion de vie et pulsion de mort s’y affrontent en une dialectique déchirée, où les coupables ne sont pas les hommes, mais un système qui favorise l’incommunicabilité générale.
Poignante, cette tragédie en trois actes plonge au cœur de l’actualité : en janvier 2005, la loi Veil aura, comme l’héroïne du livre, trente ans…
Pour la première fois, une femme et un homme collaborent pour évoquer dans un roman avec une dimension psychologique, sociale et économique, le tabou de l’avortement.
Hélène Delmotte, 35 ans, est journaliste, spécialisée dans la presse santé et la question de l’IVG.
Luis de Miranda, 33 ans, est romancier (A vide, Denoël ; Le Spray, Calmann-Lévy) et essayiste (Ego trip, Max Milo).
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