Remontant près de cinq siècles en arrière, Édouard
Glissant (1928-2011), qui fut aussi essayiste,
romancier et dramaturge, choisit la forme poétique
pour dire l'une des histoires les plus tragiques de
l'humanité. Sa dénonciation des conditions de la
Conquête des Amériques, de la Traite et de l'esclavage,
comme de la conception occidentale d'une
Histoire qui oblitéra l'histoire des autres peuples, commence
en 1956 avec son recueil Les Indes. La lecture
ici proposée de ce recueil et du suivant Le Sel noir
(1960), fait valoir le sens et la portée de cette déconstruction
de l'histoire coloniale. Au-delà d'une réappropriation
antillaise d'un lieu commun, la Découverte
des Amériques, l'intention dont procèdent les oeuvres
analysées se fonde sur la nécessité éthique et épistémologique
d'une mainlevée du focus occidental sur
l'Histoire. Aussi Glissant procède-t-il dans ces chants
majeurs à l'inversion du point de vue, activant la performance
d'un réquisitoire d'où monte, d'un poème à
l'autre, l'élégie des dominés.
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