«?Étant donné le nombre de fois qu’un événement inconnu s’est réalisé ou a fait défaut, on demande la chance que la probabilité de sa réalisation lors d’une seule épreuve soit comprise entre deux degrés quelconques que l’on puisse assigner.?» Tel est le problème que se propose de résoudre Bayes, dans cet Essai co-écrit avec Price. Ce texte publié en 1764, longtemps resté incompris, s’est révélé d’une importance décisive dans l’histoire des probabilités, voire dans celle de la pensée pratique. En mathématiques d’abord, il est le premier à oser une conception «?subjective?» des probabilités, qui porte davantage sur les raisons de croire que sur de prétendues qualités internes aux choses. De plus, par son traitement de l’induction, ce texte introduit un scepticisme à l’égard des lois de type newtonien et utilise le calcul contre un usage qui se voudrait trop déterminant des choses mêmes. Enfin, cet Essai s’avère fondamental, en ce qu’il dote le savoir pratique d’un incomparable instrument de mesure. Ce savoir pratique qui accompagne une action (comme il est requis en politique, en droit, en économie, en médecine, en stratégie) n’est pas la description d’un objet, mais la mesure des décisions concrètes que l’on prend. Plus que d’une théorie scientifique – même si elle ne l’exclut pas –, la règle bayésienne relève d’une éthique du risque dont notre époque a un intense besoin.
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