Composé en août 1959, l'Entretien dans la montagne, l'un des très rares écrits en prose de Celan, occupe une place centrale dans son œuvre. Sa rédaction intervient quelques mois après la parution de Grille de parole, son troisième recueil ; sa publication en revue l'année suivante précédera de peu l'attribution à Celan du Prix Büchner, qui lui donnera l'occasion d'écrire le célèbre discours de Darmstadt intitulé Le Méridien.
L'Entretien dans la montagne fut écrit en souvenir d'une rencontre manquée avec Theodor W. Adorno, qui aurait dû avoir lieu en juillet 1959 à Sils Maria. Dans Le Méridien, évoquant le lien entre ce texte et le Lenz de Büchner, Celan le définit comme un chemin «de moi vers moi». Dans l'étude qui accompagne la traduction que nous publions aujourd'hui, Stéphane Mosès montre comment ce bref texte accomplit, sur l'horizon de cette absence, «un trajet à travers la forêt des mots, trajet au cours duquel un langage anonyme se transforme peu à peu en parole de sujet, un Il en Je et Tu, un récit en discours». Avec cette métamorphose, ce dont il s'agit ici, c'est de répondre à la formule qu'avait risquée Adorno (et sur laquelle il fut amené à revenir), estimant qu'il était «barbare» d'écrire des poèmes après Auschwitz. «Pour Celan au contraire, écrit Stéphane Mosès, le langage frappé au plus intime de ses pouvoirs peut renaître, mais à condition d'assumer jusqu'au bout sa propre culpabilité.»
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