Il y a des écrits, pour chacun de nous, qui sont des croisements.
Même publiés, ils restent des ateliers, des points focaux, c’est par eux qu’on doit repasser pour avancer. Ou alors, c’est qu’ils cristallisent une figure originelle, inépuisable, qui est aussi la grille des nouveaux départs.
Ricardo Montserrat est né en Bretagne, de parents antifascistes catalans. Au Chili, sous la dictature de Pinochet, Montserrat retrouve la langue et les combats qui avaient mené son père en Bretagne. Il le fait par le théâtre. C’est armé de la sorte qu’il revient en 1992.
Au sortir de sa traversée chilienne, il lui était possible d’appréhender l’autre guerre, celle qui avait mené son père dans les camps, le même camp dont un de ses oncles ne reviendra pas.
Et pour appréhender le lieu de mort, c’est à la Bretagne, pour lui natale, qu’il demande les clés : les légendes bretonnes vont lui donner cette force. C’est l’île de Groix et ses légendes d’Atlantide, c’est l’Enkou, intercesseur de la mort.
Quand il quitte le Chili en dictature pour s’installer en Bretagne, il rencontre une autre histoire : celle qui avait poussé son père à fuir le nazisme.
Alors voici un étrange triangle : l’appropriation de la langue, la nôtre, en s’inscrivant dans un territoire, la Bretagne, va aborder la guerre, et ce qu’elle porte de mort.
En E Enkou (Entre la mort) traverse la Seconde guerre mondiale. Aziliz, publié en 1996 par L’Atalante, traversait de la même façon la Première.
Et c’est peut-être ici que commence l’autre atelier, l’atelier de l’écrivain : à douze ans de distance, on a fait chemin dans l’écriture, dans l’expérience intérieure. Le livre reste présent, il vous a donné accès à ce chemin. Alors on peut le reprendre, l’épurer, aller avec lui à ses limites.
En E Enkou c’est aussi une réflexion sur le livre, l’écriture, la mémoire (et, pour l’écriture, le rapport aussi au conte, à l’oral, aux légendes – tout comme de l’univers de la mort à l’univers des fous la frontières est parfois poreuse). Le territoire de l’île n’est pas seulement Groix en guerre, mais le symbole de toutes les îles.
On sait le chemin que Ricardo Montserrat a fait, en France, pendant ces 12 ans : romans collectifs initiés avec des chômeurs de Lorient (Zone mortuaire), La femme jetable avec des salariées d’Auchan Le Havre, ou Ne crie pas avec des ouvriers licenciés de Roubaix, ou No woman’s land avec des demandeurs d’asile en Belgique. Ce continent d’une autre oeuvre, une œuvre témoignage, où l’écrivain est nomade, repart ensuite vers d’autres lieux de ces frictions (un type à chapeau qui vous réveille en vous secouant l’épaule dans le train et ensuite on parle pendant trois heures : à chaque fois, ça ne peut être que Ricardo Montserrat !).
Le terme d’atelier d’écriture, nous ne l’utilisons que par défaut : les formes peuvent être différentes, ce qui est mis en scène publique de cette friction-source de l’écriture et du monde, nous l’avons en partage. Après avoir accueilli Cathie Barreau, Jacques Séréna, Philippe Berthaut dans publie.net, la présence de Ricardo était obligatoire, même lui n’avait pas le choix. À vous le texte.
FB
Merci à Cécile Carret et Olivier Guéry pour correction, maquette et mise en page.
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