Les récits d'Ilse Aichinger sont voués à l'exploration
des possibles, à l'invention d'une réalité parallèle qui naît
des pouvoirs magiques et périlleux du langage. Le temps peut
y passer à l'envers. Un appartement peut descendre au sous-sol
d'un immeuble sans que personne, sauf l'occupante des lieux,
ne s'en étonne. Un personnage d'affiche publicitaire
ou des figures peintes sur un éventail y vivent d'une vie
insoupçonnée. Le «Jour» ou la «Langue» y sont
des protagonistes à part entière. Tout ici, même les
phénomènes naturels, obéit à des lois à chaque fois différentes
auxquelles la narratrice demeure fidèle, à l'intérieur de chaque
nouvelle, jusqu'à l'angoisse ou à l'absurde. C'est que, sous
l'exubérance du jeu, perce l'inquiétude d'un écrivain qui,
pendant la Deuxième Guerre mondiale, a frôlé le pire, et qui
a choisi de regarder le monde avec les yeux de l'enfance pour
réaffirmer que le possible est plus fort que le réel. Le héros
d'un de ces récits, héritier du «champion de jeûne»
de Kafka, transforme en raison de vivre les liens qui lui ont été
inexplicablement imposés. À son image, la conteuse affirme
sa liberté au sein des contraintes du langage auquel elle refuse
de faire confiance pour mieux montrer que le monde
qui nous entoure dépend du crédit que nous lui accordons.
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