[...] À première vue, la Sociologie et le Droit ne paraissent pas pouvoir faire bon ménage, les juristes se bornant à la question de quid juris et les sociologues interprétant le quid facti dans le sens de la réduction des faits sociaux aux rapports de force. De là l'inquiétude d'un grand nombre de juristes et de philosophes du droit, se demandant si la sociologie juridique ne désignerait pas la destruction de tout droit en tant que norme, principe de redressement des faits, estimation. De là également l'hostilité de certains sociologues, s'inquiétant de voir réintroduire des jugements de valeur dans l'étude des faits sociaux, par le truchement de la sociologie juridique. En outre, ces sociologues insistent sur l'impossibilité de détacher la réalité du droit de l'ensemble de la réalité sociale qui est un tout indécomposable, la vocation de la sociologie étant d'unir ce que départagent arbitrairement les sciences sociales traditionnelles. [...]
Si la science du droit ou le dogme du droit positif ne fait qu'établir un système cohérent des symboles normatifs (plus rigide ou plus souple), valable pour l'expérience d'un certain groupe à une certaine époque et ayant pour but de faciliter le travail des tribunaux, la sociologie juridique envisage la variété quasi-infinie des expériences de toutes les sociétés et de tous les groupes, en décrivant les contenus concrets de chaque type de ces expériences (pour autant qu'elles sont exprimées dans des phénomènes extérieurement observables) et en dévoilant la réalité pleine du droit que les symboles voilent plutôt qu'ils ne l'expriment.
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