Le mouvement ouvrier et étudiant de 68 a fissuré l'assise savante du pouvoir. Jacques Rancière, qui en prend acte, instaure un renversement fondamental : il ne saisit plus l'égalité comme but, mais comme point de départ. C'est d'une déconnexion avec l'ordre hiérarchique qu'elle procède. Sont ainsi mises en avant les capacités des opprimés à inventer des pratiques indociles.
Pourtant, depuis une vingtaine d'années, Rancière tend à rétrécir la portée de ce geste : en le déplaçant vers le champ esthétique, il le limite à des « redistributions polémiques du dicible et du visible ». Ce livre rompt avec une telle orientation. Il élucide l'égalité dans des luttes impliquant la violence, réintroduit une rationalité du désir et de l'antagonisme. L'aspiration à abolir le rapport capitaliste fait pleinement partie de l'obstination lucide qui anime la confiance égalitaire. Ainsi radicalisée, l'égalité noue l'antagonisme, qui combat un ennemi à détruire, au litige, qui s'inclut dans le monde de l'adversaire par polémique. Elle rencontre les questions que le féminisme pose à l'universel, et s'empare de la défaite comme d'un moment immanent à sa pratique, tirant ses ressources de possibles déjà accomplis, mais aussi des chances manquées d'une lutte.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.