L'oeuvre de fiction de l'abbé défroqué Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793) se constitue en champ discursif réceptacle d'une écriture en tension à travers lequel se déploie et se dit l'univers existentiel de l'auteur : tension sociale d'un philosophe gueux, intellectuel qui a son mot à dire et un positionnement à afficher tout en demeurant réfractaire à toute forme d'autorité institutionnelle appréhendée comme la pierre d'achoppement d'une possible recherche de la vérité ; tension politique entre son état d'homme d'Église et ses convictions anti-ecclésiastiques ; tension culturelle et poétique inscrite dans un refus de pratiquer une écriture plus ou moins codifiée, dans sa tendance à mélanger les sous-genres, dans la production d'un genre hybride qui mêle les caractéristiques du conte avec celles du roman et dans sa revendication d'une liberté littéraire qui l'affranchirait de tout modèle contraignant même si cela se fait au prix d'une exclusion professionnelle. C'est à une reconstruction de l'espace de la fiction qui est à la fois la cause de la marginalité auctoriale et le lieu où se dit la marginalité, l'espace où elle prend forme et devient significative que nous convie ce livre. En s'appuyant sur les discours de l'époque, l'auteur propose une esquisse de l'image de soi de l'auteur marginal au XVIIIe siècle, à partir de laquelle elle entame une lecture intégrative de l'oeuvre de Dulaurens. L'apport novateur de cet ouvrage réside dans l'accent mis sur les liens dynamiques qui se tissent entre les éléments sociologiques, biographiques et l'espace de l'écriture où prend forme le geste artistique.
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