Du Champ ou le Destin des choses
Duchamp donne la formule complète de la modernité à l'aide de concepts empruntés aux sciences et qui deviennent chez lui les puissants opérateurs plastiques d'une fable scandée par le Grand Verre, les ready-mades, Étant donnés. Quatrième dimension, infra-mince, nominalisme pictural règlent ainsi le fonctionnement d'une oeuvre complexe en proie, comme toute une époque, à d'étonnantes manifestations qualitatives. L'intérêt de Duchamp pour la quatrième dimension rejoint celui des physiciens, des chimistes ou des algébristes pour le détail articulatoire dans lequel s'opèrent la transition du discret et du continu, le passage des qualités à leurs quantités pondérables. Dans la trinité opératoire de Duchamp, l'infra-mince récapitule les songeries et les résultats d'une physique de l'aléatoire, des phases, de la complexité. Car de Bergson à Poincaré, de Cournot à Mach ou même de Perrin à Boutroux, personne ne renonce à l'exploration de cette profondeur où s'accomplissent toutes les transformations. Au music-hall, au cinéma, dans les transes des médiums pareillement, la singulière poussée morphologique qui travaille les corps reconduit une esthétique des transports dont le romantisme ne s'était pas lassé. Entre conventionnalisme et nominalisme Duchamp entend bien restaurer une unité de l'expérience esthétique où le sens se donnera dans ses seuls effets plastiques. Attentif aux déploiements complexes des événements, averti du concours des circonstances et du fait que le destin des choses, si bien évoqué par Cournot, se trame d'insaisissables déterminations, Duchamp tire de sa fréquentation de Méliès, Jarry et Roussel la méthodologie d'une oeuvre d'indifférence qui aspirera à se conjuguer avec le hasard lui-même.
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