« Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent ! » : est-ce là le seul héritage que les Romains nous aient laissé en matière de gouvernance ? Un dirigeant ne peut-il donc s’imposer que par la crainte et la terreur, en laissant libre cours à la cruauté ? L’œuvre de Tacite, ce grand historien de l’Empire, invite à penser qu’au contraire les Romains ont accordé une grande place à la douceur en politique, considérant qu’elle pouvait être utile en bien des circonstances : le dialogue permanent entre cet auteur et ceux qui l’ont précédé, Cicéron en particulier, révèle même une continuité de la République au Principat. Mais par douceur faut-il n’entendre que la clémence, ce pardon du vainqueur aux vaincus ? Tant s’en faut : la courtoisie, la bienveillance, la générosité, la compassion, la gentillesse, la capacité de faire grâce, la tempérance enfin sont autant d’aspects reconnus de la douceur en politique, de Cicéron à Tacite. Et qu’en est-il du goût de la dolce vita, de la complaisance vis-à-vis de soi-même comme vis-à-vis des autres, travers qui sont bien présents dans l’œuvre tacitéenne ? Cette étude se propose d’appréhender les différentes facettes de la douceur en politique chez Tacite et ses prédécesseurs, afin de mieux cerner son intérêt aux yeux des Romains : dans une cité marquée par le meurtre originel de Rémus puis par la violence des guerres civiles, la douceur, celle du moins qui est le fruit de la maîtrise de soi, semble bien avoir été la meilleure arme de tous ceux qui avaient à exercer une autorité, à l’armée comme à la ville, et qu’ils aient été Princes, généraux, ou grands commis de l’État.
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